Le TEXEL, 23
janvier 1795
Sous les
ordres du général Delmas, la division du centre occupe le Nord de la
Hollande. Pichegru profite du froid intensif de l'hiver précoce pour
pousser activement son offensive. Impraticable en été, la Hollande
couverte d'eau n'était plus qu'une vaste plaine solide. Les cours d'eau,
lacs, marais et bras de mer sont gelés. Les chariots et l'artillerie
peuvent progresser sans danger. Une partie de la division sous les
ordres du général Salme progresse sur Amsterdam et les villes du Nord.
Le 20 janvier, le général Pichegru apprend que la flotte hollandaise est
prise dans les glaces entre le Helder et les côtes de l'île du Texel. Il
ordonne au général Winter à la tête de avant-garde, comprenant le 1°
escadron du 8°, du 3° bataillon de tirailleurs, des 3° et 5° chasseurs à
pied et d'une fraction du 8° bataillon d'artillerie, de se diriger
rapidement sur Haarlem. La ville est prise après une courte résistance.
Alkemer est atteint. Un détachement est de suite envoyé sur le Texel, à
dix lieues, sous les ordres du commandant Lahure, composé du 3°
bataillon de tirailleurs transporté en voitures requises, du 1° escadron
du 8° hussards (capitaine François Christophe) et de la 4° compagnie du
8° régiment d'artillerie légère. Par une nuit obscure et dans une neige
épaisse, la troupe se dissimule derrière les dunes du canal de Madsdiep.
" Le spectacle était surprenant de voir ces chevaux efflanqués, au
poil bourru, montés par des hussards, aux pelisses vertes à tresses
blanches, chaussées et rapiécées ou en manteau pour ceux qui avaient la
chance d'en posséder, pantalons de cheval de toutes teintes, ayant en
croupe ces fantassins en habit court, trottinant prudemment sur cette
mer solide, autour des murailles de bois garnies de canons muets ".
Souvenirs du lieutenant général Baron L. J. Lahure.
Au point du jour, les
hussards, dont les sabots des chevaux sont enveloppés de linge afin
d'éviter les glissades, prennent les tirailleurs en croupe, investissent
les dunes glacées bordant le bras de mer entre l'île du Texel et le port
de Helder. Ils sommèrent les marins, surpris par tant d'audace, de se
rendre. Après des pourparlers, la flotte se rend sans conditions, le 23 janvier 1795. Quatorze vaisseaux de ligne, quelques navires marchands et
huit cent cinquante canons sont capturés, ainsi qu'un bâtiment anglais
qui faillit s'échapper ayant creusé un chenal dans la glace. Un
détachement de hussards lui coupa la retraite.
Une cantinière, la mère
Catherine, qui prit part aux guerres de 1792 à 1803, témoigne de ce fait
d'armes :
" Il faut dire, petit, qu'il faisait un froid noir. C'était
de la glace à perte de vue et à une demi lieue de nous bien immobiles,
empêtrés dans les glaçons, il y avait quatorze vaisseaux de guerre
hollandais et un tas de bateaux marchands. ... Je venais d'allumer mon
feu pour préparer le café de la compagnie quand j'entendis un remue
ménage. C'était le commandant Lahure avec une centaine de hussards
qui venaient demander à notre capitaine un nombre de tirailleurs égal à
ses cavaliers pour les faire monter en croupe derrière eux... Le froid
était tel que deux des hussards tombèrent de cheval. Et Lahure, à mi-
voix : Jamais ils n'iront jusqu'au bout. Mon commandant, lui dis-je, j'ai
un petit tonneau d'eau de vie, du shiedam comme ils l'appellent dans
leur patois de Hollande. C'est chaud, ça gratte le gosier. En voulez-vous
pour votre escadron et pour vos hommes. Vous me paierez lorsque vous
reviendrez de là-bas. Et mon petit tonneau n'a pas fait long feu,
hussards et fantassins n'ont pas mis un quart d'heure pour le vider, et
à ma santé encore. Vingt minutes après, l'escadron était en face des
bateaux et les tirailleurs grimpaient à bord, comme des chats, le sabre
aux dents. La flotte se rendait aux Français, tout cela à cause de mon
tonneau de genièvre".
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Un escadron du 8° Hussards
s'empare de
la flotte hollandaise
le 23 janvier 1795.
Tableau de R. Desvarreux
Musée de l'Empéri (Salon de provence)
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Cet épisode, dont l'importance a été amplifiée à l'époque, a été très controversé. Plusieurs régiments de hussards l'ont pris à leur compte dans leurs historiques. Seul l'escadron du 8° était présent.